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Une expérience du regard

J-P Minella est un peintre résolument indépendant.

Évaluer son travail par rapport aux courants successifs des avant-gardes du 20ème siècle, serait, à mon sens, limitatif, voire déplacé. Et cette singularité non préméditée, hors normes, qui est le fruit d'un long cheminement, dans le nécessaire isolement de l'acte de création, représente précisément un atout particulièrement précieux de sa démarche et de sa production.

 

L'œuvre picturale de Jean-Pierre Minella défie les modes et divisions en catégories, le plus souvent fort artificielles, qui pèsent sur le monde de l'art depuis plusieurs décennies. Il s'agit avant tout, pour lui, d'explorer et d'agencer les éléments fondateurs du langage plastique, sans obéir pour autant à un système trop contraignant. À cette intention, il s'est doté d'un matériau qui donne à sa production un caractère tout à fait personnel, le pastel à l'huile. Loin de recourir à cette technique pour les seuls effets extérieurs qu'elle provoque, JP Minella s'en sert afin de faire entrer, de manière explicite, la temporalité dans la perception de ses œuvres. Les couleurs qu'il obtient ainsi donnent en effet une impression tout à la fois de transparence et de profondeur, d'apesanteur aussi. Complexes, leurs alliages épousent, avec d'infinies subtilités, les changements de lumière qui interviennent tout au long d'une journée, ou selon les lieux où elles sont exposées, invitant à la contemplation, donc à une certaine forme de silence. Le fait qu'il ait choisi pour titre d'une de ses expositions « autres rythmes, autres silences » est significatif à cet égard.

 

Si sa démarche semble s'orienter dans le sens d'une quête d'intériorité, il n'exclut nullement, bien au contraire, le dynamisme susceptible d'émaner des rythmes qui articulent l'espace de l'œuvre. Et il convient de souligner que cette interpénétration des notions de temps et d'espace, le peintre la fait ressentir sans emphase ni pathos, avec légèreté et discrétion, parfois même une touche d'humour (comme l'attestent certains titres), laissant au spectateur la possibilité d'inscrire son propre parcours ; il y a incontestablement quelque chose d'ouvert et de ludique dans les oeuvres de J-P Minella, qui n'imposent pas leur présence par la force, mais s'avèrent plutot capables de s'insinuer dans la sensibilité visuelle de toute personne « disponible », c'est-à-dire prête à oser une expérience du regard sans rester dépendante des parti pris et mots d'ordre existants.

Jean-Yves Bosseur,

critique d'art, compositeur (réalisations musicales en collaboration avec Pierre Alechinsky,

Olivier Debré, Jan Voss),

Auteur de "Musique et arts plastiques"et d'ouvrages sur  la musique contemporaine..

Commissaire de l'exposition "Voir la musique", musée de Dunkerque, 2017.

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